article original au format pdf : Il Rito Del Silenzio

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RITUAL MAGAZINE No35
propos recueillis par Paolo Bertazzoni.

1- I've found very interesting the considerations...
2- How does it works on stage during "Le Combat des Rats"? ...
3- Your work and research shows how many ...
4- Can you tell me something about...
5- And about the machines...
6- Can you tell me something about the role of ‘the double’ ...
7- Just a curiosity of mine: is there a reason why...
8- I’ve found very interesting your considerations...
9- Talking about "Terribilis" ...
10- A question about the choice of Latin...
11- How did you choose the songs...
12- Your musical research confirms how...
13- Together with Artaud, you also...
14- about your name...

1- I’ve found very interesting the considerations you make about the rat as a symbol, especially thinking about its connexions with the plague...which according to Artaud is the disease that acts over mind and conscience: so art remains one of the strongest way by which working on mind and conscience?

L'art possède un pouvoir de communication extrêmement direct, une sensibilité formulée sans les travers du langage. Artaud dans le "Théâtre et son double" nous donne les clefs de ce problème: il nous incite à retrouver la force des symboles perdus, à réussir à revenir à une approche primaire et directe du sentiment et le seul moyen est de se débarrasser des mots. ils ne sont en effet qu'un simple moyen de traduction, même dans notre langue maternelle. Nous ne devrions pas penser en mots, cela est bien trop long, nous raisonnons en impulsions électriques, en sentiments que les mots viennent ensuite décrire. on peut tomber dans le piège de les croire au centre de la pensée mais c'est faux. Bien sur l'écriture est une chose admirable mais elle doit rester à sa place: un outil de traduction et pas une fin en soi. Artaud ne donne pas réellement de solutions mais il a réussi à son époque l'exploit de dénoncer et de mettre l'accent sur cette perversité et sur ce à quoi elle nous conduit: le bavardage inutile. Artaud est pour moi le véritable précurseur de la Performance, il nous demande de retrouver le sacrifice, il nous invite à travailler avec le réel, avec ce qui touche le sensible. D'ailleurs quand on le lit on est frappé par la violence qu'il réussit malgré lui à transmettre dans ses phrases, et ce n'est pas par un style d'écriture qu'il le fait, mais surtout par la justesse des idées qu'il soulève. Invasion lente et progressive de l'écriture... Heureusement il y a une deuxième forme de langage, celle du symbolisme et de l'inconscient et ce sont mes outils favoris. Le rat est un symbole parfait pour parler de l'homme, et les connexions avec le mouvement gothique sont très intéressantes. La Peste est métaphoriquement une invasion de la sensibilité du morbide, elle se transmet sans discernement et se propage à travers toute l'Europe. c'est un peu la trame de fond de ce reportage, c'est un peu le pari de l'avenir, apprendre à vivre en acceptant nos côtés obscurs sans les enfermer dans le carcan du tabou, sans non plus tomber dans l'excès inverse à savoir la perversion. L'art est une façon très pratique de soulever ces idées. Le rat, image négative de la bourgeoisie bien pensante, la "vielle à rat" comme symbole d'un contre-violon, c'était la plus directe façon de représenter une prise de conscience, une révolte envers un monde qui devient insupportable par ses conventions.

2- How does it works on stage during ‘Le Combat des Rats’?

Sur écran géant le cadrage du film est pris en plongée, on a l'impression d'être dans leur territoire et cela provoque un sentiment d'insécurité. C'est difficile à regarder, il y a je crois deux attitudes possibles devant cette image jetée à la face, on peut se sentir directement agressé et être gêné par ces images imposées, ces rats qui s'entretuent pour un bout de viande nous rappellent forcément notre principal instinct destructeur, la convoitise. L'autre attitude est une réaction complice, comme par adhésion à l'effet de gène que cela va procurer autour de soi, là encore il y a vite une gène car on est rapidement pris dans un certain plaisir sadique à choquer ses voisins, mais que faire d'autre? Être choqué par ces images c'est admettre que l'on s'identifie a ces rats finalement, et choquer les autres avec ces images, c'est admettre que l'humain en est là, dans les deux cas on est piégé par une désagréable réalité. De toute façon c'est Dieu qui en prend pour son grade, et Darwin qui gagne des points, les rats eux sont filmés en pleine fête orgiaque et les gens en salle groupés sur le sol se sentent souvent pris en flagrant délit de malaise, sur scène, nous jouons de la musique et cela en soi reste une manière élégante de se tirer de l'équation... ces images ne restent pas sans effet.

3- Your work and research shows how many connexions can be found between rite, liturgy and performance...

En effet, la performance prend à mon avis son vrai sens quand elle intègre le rituel, sinon on tombe dans le piège du théâtral. Le Rite est cette dimension mystique qui fait que quelque chose sort de l'acte gratuit et notre héritage culturel est une véritable source d'inspiration et de référence. Les connexions sont évidentes, notre culture judéo-chrétienne est bâtie sur la mort du Christ, sacrifice du corps par excellence et que nous soyons croyant ou pas ne change pas grand chose au concept dans lequel cela a baigné notre vision du monde depuis le moyen-âge. Nous devons bien assumer cette approche là des choses, ce sont les fondements de notre éthique. Le corps sacrifié est une performance, le corps en souffrance est la base de notre construction du monde. Qu'y a t' il de plus puissant qu'un rituel, comment être sincère autrement que dans ce qui nous fascine et qui a été construit par nos peurs les plus intimes, chaque rite fait appel à une angoisse profonde, chaque rituel à une solution en réponse. Il n'y a pas là de chasse gardée par une religion mais simplement une manière d'être proche et honnête vis à vis du sentiment humain. Igor Stravinsky a bâti son oeuvre autour d'un rite, « le sacre du printemps», «the rite of spring» aucun autre thème ne pouvait être plus porteur pour une oeuvre majeure. Artaud encore n'est pas bien loin, «retrouver la notion de sacrifice dans nos représentations», seule manière de récupérer ce que le théâtre a tué en nous, pour moi cela résume la différence entre le théâtre et la performance, et vous remarquerez qu'il n'y a aucune liturgie sans une base rituelle, aucun rite sans sacrifice. Une performance sans ces fondements n'est rien d'autre qu'un exploit gratuit.

4- Can you tell me something about the centrality of the body in your work?

Que puis-je voir de plus inexplicable que moi-même? Le Moi profond, narcissisme suprême de l'homme qui a même fait Dieu à sa propre image... aussi loin que je regarde dans l'espace c'est la même question qui revient, sommes-nous seuls? Nous ressemblent-ils? Que pouvais-je mettre d'autre qu'un corps au centre de ce travail? Le peintre et son modèle, l'autoportrait comme modèle récurrent, cela a toujours été... Le corps humain est la chose la plus complexe que nous nous efforçons de comprendre, et la mort n'est rien d'autre que la signature de notre échec. Plus on se comprend et plus notre espérance de vie se prolonge, s'intéresser au corps c'est avouer sa peur de la mort, et vivre en acceptant la mort c'est avouer notre ignorance. L'humilité qui fait tellement défaut au point que l'on s'invente un paradis pour ne pas admettre la réalité. Je m'intéresse au corps comme on procéderait à une autopsie, avec un regard froid et médical, avec une volonté de dissection, j'ai une grande passion pour les travaux de l'Ecorché, image la plus insolite du corps qui se contemple sans sa peau, sans sa vanité et qui s'analyse tel qu'il est, comme un objet d'étude.

5- And about the machines...are there any connexions with Mejerchol’d work?

Je connais très mal le travail de Mejerchol, ce n'est pas un artiste très célèbre en France, on m'a souvent demandé aussi s'il y a des relations avec John Cage, certains ont vu aussi des liens avec les performances de l'autrichien Hermann Nitsch... En fait cela démontre surtout une chose c'est que c'est difficile de créer aujourd'hui sans utiliser des concepts basés sur la nouvelle vision du monde, dont les précurseurs étaient les écrivains mythiques tels que Sade, Nietzsche, Freud, Artaud, Bataille entre autres. Comment vivre vraiment son temps sans intégrer ces données dans chaque chose? J'ai toujours pensé qu'il n'y a pas d'artistes qui créent un style mais seulement des créateurs sensibles qui subissent leur époque. Les machines des Jeux de Fers ne sont que cela, une manière de répondre au monde industriel et de jouer avec lui sans en devenir l'esclave. Tous les écrivains que je cite ci-dessus ont amené une partie de la conception de cet univers de machines, il me parait normal de vivre avec les pensées de son temps. Quand je projette un homme nu contre une plaque d'acier, ce n'est pas que du sadisme, c'est aussi un acte freudien dans la règle de l'analyse clinique: l'homme est nu en position foetale, il tente le passage au travers d'une porte d'acier qui a la forme exacte de l'ouverture de l'os du bassin, première porte et premier traumatisme, celui de la naissance. Première porte alchimique aussi, en référence aux douze portes de Georges Ripley, bref les points de recherche de ces machines sont multiples.

6- Can you tell me something about the role of ‘the double’ in your work? I think about both the meanings of specular and contrary: in ‘La Danse de la Terre’ movements are specular, but in ‘Jeux De Fers’ we can see how many actors show the contrast of strenghts...the opposition of concepts as good and evil, light and darkness...

Oui, je vous félicite pour avoir noté cela, il y a en effet un rapport très important au face à face, comme une représentation mentale d'une lutte intérieure, qui finalement nous renvoie à l'image de soi dans le miroir. Il ne s'agit pas là de simple narcissisme mais plutôt de l'envie de tester les mouvements simples du corps humain en annulant les forces de déplacement ou de poussées produites. Cela permet comme dans une sorte de laboratoire d'observer le corps en mouvement figé sans avoir recours à la photo comme les travaux de Muybridge par exemple. C'est le principe du jeu de tire à la corde: les efforts sont annulés en théorie mais il finit pas se passer un déséquilibre qui fait pencher la balance. Il y a souvent ce rapport à la mesure de la force donnée par le corps. La danse de la terre dans son idéal serait dansée par deux jumeaux. Ce fut mon rêve d'ailleurs, de faire jouer systématiquement mes machines par des jumeaux, c'est là qu'elles prennent leur vrai sens. Ces machines sont à rattacher à des mythes, Sisyphe: il n'y a de châtiment plus terrible que le travail inutile et vain. On perçoit l'absurdité du personnage tant dans le désespoir de tenter d'échapper à une mort inévitable, que dans la tentative d'achever un travail interminable. Dans son premier essai philosophique, Camus qualifie Sisyphe d'ultime héros absurde. Il y établit pourquoi la vie, malgré l'absurdité du destin, vaut la peine d'être vécue.

7- Just a curiosity of mine: is there a reason why in Eli Elo ‘La danse de la terre’ is acted by two women and not by a male and a female?

Le choix était possible: Le complément sexuel, ouvert sur la vie ou l'image double, le regard sur soi, stérile... les deux choix s'offraient là... et la Danse de la Terre peut fonctionner dans les deux directions, disons que ce jour là j'ai opté pour une vision plus défaitiste, replaçant le corps face à lui même et à sa propre mort, le lieu ou est tourné la danse ressemble plus à un caveau qu'à une église, l'espoir y est absent. C'est bien une vision de la mort qui est exprimée au travers de cette danse, comme dit dans le dvd, corps qui redevient poussière, hymne suprême à la conscience, fête et cérémonie à la mort, au retour à la terre, à l'absurdité de la vie. Cette danse est le plus terrible aveux de l'impuissance de l'humain face à sa condition. La reproduction nous donne certes l'illusion d'immortalité, je me reproduis donc je ne disparais pas... c'est une immortalité subjective, une immortalité culturelle puisque seul le savoir et l'art peuvent être transmis, l'héritage, mais on n'hérite que de la mort d'un autre, et c'est de cette mort du corps dont il s'agit ici de faire la célébration, comme l'extrême opposé à la crucifixion, ce n'est pas en croix que la mort est ici traduite mais à genou, c'est la mort de la prière, la désillusion la plus complète.

8- I’ve found very interesting your considerations about the power of semantic reconstruction, for example in the way you build and use your own bells during your performance...

L'Eglise est aujourd'hui encore très claire à ce sujet: seul le clergé a le droit de sonner les cloches... Quelle fantastique preuve de kidnapping! Voilà la plus délirante des frustrations pour un musicien! L'instrument est confisqué et celui qui en joue sans être du clergé sera déclaré hérétique!!! cela ressemble aux histoires de guerre entre les Anglais et les Ecossais, les Anglais avaient décrété la cornemuse comme instrument interdit. C'est quand même tentant, de profiter de la faiblesse actuelle de l'Eglise pour pouvoir enfin jouer des cloches librement, de se dire qu'il y a quelques siècles cela aurait été un blasphème total. Alors oui, on joue avec les cloches et on joue donc aussi avec l'interdit qui les accompagne: nous sommes donc condamnés par l'Eglise, et puisque que c'est ce qu'elle pense, alors nos cloches ont été construites avec des noms de démons à la place des traditionnels noms de saints qui ornent fièrement leurs panses. C'est une attitude paradoxale finalement, c'est refuser l'interdit de l'église tout en endossant sa punition! J'aime ce rapport là au passé, c'est une manière de le revivre encore un peu.

9- Talking about ‘Terribilis’...in that song we find the words ‘Terribilis locus iste’...the incipit In dedicatione ecclesiae, but also an inscription that can be found in several churches, such as the famous church of Rennes Le Chateau...is there a particular meaning in the choice of these words?

En effet, incipit In dedicatione ecclesiae ordinairement suivi de :«hic domus Dei est, porta coeli» Dans Terribillis, je fais suivre la fameuse dédicace par «ego dixi: vadam a porta inferi» après avoir loué tous les monstres de la terre et en sonnant les cloches comme pour l'appel à une messe... allez y comprendre quelque chose, il semble comme me le dit souvent mon vieux père, que j'en veuille un peu à l'église... En fait non, c'est aux religions dans leur globalité que j'en veux, et à travers elles, aux stupidités humaines. "Templum incendiunt et monacos omnes lethali sauciant" c'est un peu cela l'état d'esprit de Rosa Crvx, dans un degré subjectif. Quant à l'abbé Saunières, il s'est bien amusé avec les symboles, manière redoutable de brouiller les pistes en donnant aux plus lettrés de quoi se perdre encore mieux que les autres... on sait peu de choses finalement sur ce qu'il cherchait à cacher, mais il avait un coté brigand, c'est bien certain.

10– A question about the choice of Latin Language: in the interview on your dvd you talk about the fact that words can be secondary...can we connect this again to Artaud, as he said that words are a translation and a betrayal of feelings, while gestrues and music can directly join the heart of the audience?

A question about the choice of Latin Language: in the interview on your dvd you talk about the fact that words can be secondary...can we connect this again to Artaud, as he said that words are a translation and a betrayal of feelings, while gestrues and music can directly join the heart of the audience? Si encore une fois Artaud se retrouve dans la même préoccupation, cela va bien plus loin encore c'est un boycottage personnel. c'est la grande différence entre musique et chanson, entre l'art et l'illustration. Partout la musique se meurt sous les mots, tous ces bavardages inutiles qui étouffent la fonction première de la musique, les groupes ne savent plus faire des instrumentaux!Et le problème est bien plus vaste : tous ces téléphones portables utilisés pour ne rien dire d'autre que des futilités de plus. Je crois que depuis que l'humain existe, on n'a jamais échangé autant de mots inutiles qu'aujourd'hui. Je ne supporte plus d'entendre toutes ces voix dans les supermarchés quand je fais mes courses, c'est la plus grande des pollutions contemporaines: le bavardage! Peu de gens supportent le silence, « Silence is sexy » comme le dit si bien Blixa de Einstürzende Neubauten, les mots, les tags, le rap, c'est la nouvelle lutte à mener! Taisez-vous donc si vous n'avez rien à dire! Dites les choses avec peu de mots mais avec des mots justes, nettoyez les vieilles pierres, décollez les affiches, arrachez les pages de publicité dans les revues, boycottez la tv... il faut d'urgence dépolluer le monde! L'homme a deux cotés détestables: son côté singe à faire les mêmes choses que son voisin, et son côté perroquet à parler pour ne rien dire. J'adore me promener sous la pluie, vous remarquerez comme tout à coup les rues deviennent propres et silencieuses!

11- How did you choose the songs for ‘Lux in Tenebris Lucet’?

De la manière la plus représentative pour présenter R+C à une personne qui n'en aurait jamais entendu parler. Et surtout ces titres ont tous étés soit réenregistrés soit remasterisés pour les remettre au mieux de leur valeur. Nous voulions qu'ils ressemblent à ce que nous présentons sur scène aujourd'hui, et nous avons la chorale Rosa Chordis par exemple qui n'existait pas au temps ou ils ont été enregistrés.

12- Your musical research confirms how time and gender boundaries can be crossed...so ritual, performance, latin, medieval and renaissance music...is still possible crossing or tearing down the line between art and life?

Il y a des outils nouveaux pour un créateur depuis le 20ème siècle, et le principal a été l'audio-visuel. le cinéma a été inventé et peu développé en dehors des salles de projection. j'ai juste l'impression de m'exprimer avec l'influence de ce qui me semble être la chose la plus apte à traduire un sentiment aujourd'hui. Ce n'est pas par hasard que le cinéma a été nommé le 7ème art, il a un pouvoir nouveau que tous les autres ne possèdent pas, il n'est pas l'addition du son et de l'image, il est quelque chose de plus, un concept créatif alliant aussi la mise en scène, un jeu sur le temps et le transport du spectateur d'un endroit à un autre, d'une époque à une autre... je vois le cinéma comme une approche vers la maîtrise du rêve plus que comme une addition de deux arts existants. R+C est un projet typiquement audiovisuel, avec les mêmes possibilités et surtout la même liberté. Pourquoi entendre les cloches sans les voir, il faut un carillon, pourquoi un pauvre synthétiseur si nous avons des sons de pianos? Il faut un piano à queue, pourquoi des samples de voix? Formons une chorale... bref, on ne monte pas sur scène pour faire des économies de moyens, le public paye sa place et se déplace pour écouter et voir, et nous on sacrifie notre vie pour notre projet, autant que ce soit fait comme il faut. C'est une approche très cinématographique.

13- Together with Artaud, you also quoted Cocteau...talking about the way you often use irony...can you say that one of the strongest way of searching the illumination is suggested by surrealist’s profane illumination?

Je ne suis pas certain de rechercher l'illumination, j'ai plutôt l'impression de rechercher le plaisir. L'illumination est un stade de béatitude, quelque chose qui me semble passif ou admiratif, je serais plutôt un grand adepte de l'action. L'ironie qui apparaît parfois est une manière plus ou moins détournée de ne pas sombrer dans la folie; l'auto-dérision est indispensable si on ne veut pas tomber dans le narcissisme le plus complet. Ironie, oui, je le reconnais mais j'espère rester loin de cet humour désespéré qui a caractérisé le surréalisme, je n'aime pas mélanger le rêve à la réalité, je serais volontiers un militant anti-drogues, j'aime les découvertes concrètes, je pense que le réel contient suffisamment de mystères pour ne pas y ajouter une dimension surréaliste. Autant j'admire Einstein qui nous a ouvert sur les déformations de l'espace-temps, autant je ne supporte pas Dali et ses montres molles... pourtant on a un temps déformé dans les deux cas, simplement l'un découvre le réel tandis que l'autre l'invente, l'un observe et explique tandis que l'autre divague, l'un fait de la science quand l'autre nous raconte des choses impossibles, la différence encore entre le bavardage et le discours de la méthode.

14- About your name...together with what you say in the dvd interview, are there any connexions with the Rosacrucian Order, so the cross as the physical Body, and the Rose as the psychic personality?

La croix est, tout compte fait, notre plus parfait symbole culturel en Occident. Que peut-on lui opposer d'autre que la Rose en complément? Et peu de gens le savent mais ce n'est pas une trouvaille des rosicruciens, ces deux symboles existaient de façon liés depuis toujours. Même si j'ai beaucoup de respect pour les rosicruciens, je m'intéresse peu aux détails de leur démarche qui est beaucoup plus basée sur le gnosticisme, de mon côté j'ai un raisonnement tristement Darwinien... Mais cela ne constitue pas forcément un désaccord : je pense que ces symboles appartiennent d'abord et surtout à notre héritage culturel, et qu'aucun mouvement aussi intéressant soit-il ne peut se les approprier. Et pour en avoir discuté avec certains d'entre eux, ils semblent me dire que c'est justement cela être rosicrucien, voir la vie avec son double, les choses avec la conscience du pouvoir de leur complément, être conscient que la force n'a de valeur que dans l'équilibre et dans la compréhension de sa source... La Rose est l'antagonisme direct de la Croix, ce sont les symboles de notre culture, je peux faire aussi bien l'économie des principes rosicruciens pour expliquer cela. Comme tous symboles ils peuvent revêtir des tas de traductions directes et évidentes, tous les contraires s'y retrouvent, l'amour et la haine surtout, et là nous sommes dans une relation directe du comportement humain, les guerres et les paix, les cloches et les canons, tout le résumé de notre histoire en fait, ce que Pascal appelait «la grandeur et la bassesse de l'âme que l'on découvre à mesure que l'on a de Lumières.» "Lvx in tenebris Lvcet" n'est rien d'autre que cela, l'exploration d'une partie obscure. O.Tarabo, mai 2008